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Dandy sapeur

4 déc

Photo : Baudoin Muanda

 

Si Karl Lagerfeld a un homologue africain, question chic, le second n’a rien à envier au premier. Il sait tout autant se “saper” et d’ailleurs on lui doit la remise en service de ce verbe.

Premier membre actif de La Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes, il se fait une vie haute en pigments et soigne son style débarqué du Congo depuis le haut moyen âge.

Il est fier d’être snob et sort ses costards en toute occasion, et pas seulement pour le mariage d’un pote. Personne n’égale son art de coordonner la rayure du pantalon avec celle du veston. Nul n’a jamais si utilement porté le couvre-chef par temps sec, ni brandi si joyeusement une canne sans le moindre prétexte de sciatique. Parlez-lui de sportwear ou de casual, il vous rit au nez. Ce dieu de la sape a haussé la “toilette” à la hauteur d’un art de vivre, d’une science (la sapologie), d’une religion dont les rites foisonnent : les enfreindre est un blasphème.

Par exemple, le dandy sapeur ne saurait porter le même vêtement deux jours de suite. Ses chaussettes sont une liturgie qui impose le fil d’Écosse et la couleur unie, assortie à celle de la chaussure. Le costard, sous peine d’excommunication, ne s’entend que croisé, et titulaire de quatre ou six boutons.
Ce qui distingue le dandy africain d’un Beau Brummel ou d’un Pete Doherty ? Le ton ! Il est homme de couleur et de couleurs. Si sa vie est une œuvre d’art, elle est de style baroque et nous éblouit par ses contrastes de tonalités vives. Il assume le rose fluo, raffole du bleu électrique. Son noir est un rouge, son gris un jaune d’or, son beige un violet. Sa palette vole la vedette aux arc-en-ciel, son plumage ridiculise la queue de paon. Face à lui les vitrines de Noël ne sont que morne plaine.

Du Matonge de Bruxelles à notre goutte d’or parisienne, en passant par tous les undergrounds valables, le sapeur illumine les rues de sa présence resplendissante et y sème une traînée d’or, quelques grammes de dandysme, qui pèsent très lourd sur notre asphalte de brutes.

Suzanne Ably


Élégance française

15 avr

   Question moderne : – Qu’est-ce que l’élégance française, dont on nous bassine avec une certaine insistance et qui s’exporte, paraît-il, à coups réguliers de Bardots, de Cotillards, de Gainsbourg et de french lovers ?
    Réponse traditionnelle : – Une absence totale de manières, de calculs et de chichis. Un don particulier pour le “pas fait exprès”. Une désinvolture absolue. Une façon d’être et de se comporter qui proclame très hautement : fringues, cheveux, godasses, rien de tout ça n’a la moindre importance, mais bon.
    Exemples. Un imper noué à la va-vite. Un jean APC délavé et troué. Une chemise Lacoste dont le crocodile s’est fait la malle. Bref, le mépris du détail.
    Voyez l’épouvantail : c’est le dandy  par excellence. Pas seulement parce qu’il porte un Burberry’s. Mais parce que sa tenue rejoint celle du clochard, qui est toujours le plus chic de la rue. L’un et l’autre brillent par leur absence de pause. Vive la chute du bling bling ! 

Suzanne Ably

Chap

19 déc

Race menacée par la téléphomanie cellulaire et l’antitabagisme rampant, les chaps (littéralement les mecs) font de la résistance. Issue de l’Angleterre d’Oscar Wilde et de Stephen Frears, leur confrérie s’est formée à l’aube du XXIe siècle à l’appel de deux arnacho-dandys, Gustav Temple et Vic Darkwood, qui prônent un combat par le tweed, l’auto-dérision et le savoir-vivre.

        Vestige d’un âge où l’on appelait encore un chat un chat, et où les garçons raccompagnaient les filles, à mille lieues en tout cas du fast-food et du bodybuilding, le Chap se tape la cloche dans des trois étoiles à grands renfort de rognons sauce madère, avant d’aller taper la balle à Wimbledon en beau pantalon blanc.

         Ce guerillero new look ne prend ni bus ni métro mais conduit sa Triumph Vitesse décapotable 1967 au mépris de la facture de gaz (d’échappement). Il délaisse la Guiness pour le Martini dry et fume de délicieuses cigarettes cancérigènes. Vous l’aurez compris : le Chap, oisif de la dernière élégance, fuit la vulgocratie ambiante. Mieux, il la dénonce, mettant dans sa critique la légèreté d’un rond de fumée (art qu’il pratique en maître).

         Ses mœurs tranchent comme un sabre sur le train-train hygiéniste de ses congénères à survèt. Elles sont décrites par le menu dans un manifeste publié aux éditions des Équateurs, lesquelles nous offrent ainsi, après Michelet en dix-sept tomes, le mode d’emploi de la prochaine Révolution.

         Au sommaire : sémiotique de la pipe, philosophie de la toilette, sémaphore du pantalon, esthétique de l’automobile, protocole latrinaire. Tout est passé en revue. Prix du volume : vingt-Teuros (avec liaison). Et on en redemande.

Jeanne Ably

 Le Manifeste Chap de Gustave Temple et Vic Darkwood ( éditions des Equateurs, 2010)

 

Dandy

4 nov

Pete-Doherty-signe-une-collection-capsule-pour-The-Kooples

                Ils passent plus de temps que nous dans la salle de bains et manient le sèche-cheveux  en virtuoses. Signes particuliers : jean slim et talons hauts. Pourtant, vous avez bien lu :  « ils ».  Des cocktails littéraires (Begbeider) à la scène rock (Pete Doherty) en passant par les sauteries mondaines (Karl Lagerfeld) ou les sorties de lycée où ils pullulent,  les dandys – race issue de l’Angleterre d’Oscar Wilde – opèrent un retour en force dans nos salons post-modernes.

                On les reconnaît facilement : carré de soie au cou, chemise à carreaux près du corps, veston croisé, œillet à la boutonnière, bagouses à chaque doigt, brushing savamment déstructuré, éternelle barbe de trois  jours. Le dandy 2009, même s’il a laissé tomber la lavallière, le binocle et la canne à pommeau, soigne son look aussi scrupuleusement que le faisait son ancêtre victorien.  Nul détail de sa panoplie n’est laissé au hasard. Toujours au top, même après une nuit blanche, seize heures de garde à vue et un passage à tabac, le Brummel nouvelle génération n’hésite pas à changer trois fois de chemise dans la même après-midi et ne passe jamais devant un miroir ou une vitrine sans s’y reluquer scrupuleusement de la tête aux pieds : des fois qu’il aurait une  mèche de travers ou un mauvais pli au pantalon.

              La clope au bec et la réplique cinglante, l’air ténébreux et le mépris facile, il brille par sa culture et cultive son brillant. Avant d’être un style vestimentaire, le dandysme, à l’instar du rock n’roll, est un état d’esprit, un mode de vie. Ne s’improvise pas dandy qui veut. Alors méfiance :  derrière tous les insolents et junkies à jean slim, se cachent pas mal de goujats.  À vous de les démasquer. 

Jeanne Ably

Vêtements technique

26 juil

L’art d’être élégant, c’est celui de n’en avoir pas l’air.
Rien de moins élégant que le tirage à quatre épingles. Rien de plus chic que le vêtement de travail, qui tire son charme de son utilité, de son absence de pose.
Le vêtement de travail affiche la noblesse de l’action, qui l’en récompense en lui dictant de belles coupes, des matières solides, des couleurs et une souplesse que le temps et l’usage se chargent d’améliorer.
Par exception et pour éviter la redondance, nous ne parlerons pas ici de Brando.
Nous ne mentionnerons pas son marcel en lambeaux.
Nous n’évoquerons pas sa condition de garagiste dans Un tramway nommé Désir, qui lui vaut une tenue que nul ne saurait sublimer comme il le fait.
Nous constaterons néanmoins au passage que la salopette de mécano, même déchirée, maculée de cambouis et portée par un rustre, c’est sublime. 
Osons une affirmation : le bipède humain de sexe masculin, à moins d’être dandy ou sapeur, est toujours plus élégant dans sa tenue de travail qu’en habits du dimanche.
Moralité à l’usage des messieurs (et même des dames, hein ?) : pas besoin de se ruiner chez les créateurs pour un vêtement qui se démodera l’année suivante.
Fonçons chez Carhart (où la marque spécialisée dans le vêtement d’ouvriers propose la salopette idéale), chez APC (qui fait de VRAIS  jeans), au BHV, dans les surplus militaires et les coopératives de marins-pêcheurs, où l’on trouve des pièces aussi intemporelles qu’opérationnelles. 
Un pantalon de charpentier ou de cuisinier, une robe de serveuse, un bleu de travail, un pull marin, des brodequins de jardinier ou une parka militaire : autant de métiers, autant de chances d’être classe.
Alors, vite, quittons nos hamacs et vautrons-nous dans le boulot.

S.A

 

Séance de photos

10 oct

À quoi se livrent les filles tant soit peu frivoles (les seules dignes d’intérêt) quand elles se retrouvent entre elles, un samedi  après-midi ?
À une séance de photos, pardi.  
Ne le niez pas : vous vous êtes forcément, un jour ou l’autre, mutuellement mises en scène sous vos plus beaux atours pour prendre la pose face à l’objectif (et ajouter in fine quelques clichés canons de vous à vos archives personnelles). 
Ci-dessous, un aperçu du résultat lorsque Lucie, Alice et Louise jouent les top models pour leur copine Blandine, photographe de son état  :

 

Que retenir de cette séance, hormis le fait que nos protagonistes jouent le jeu avec un brio digne de pointures internationales ? On vous le donne en mille : les Carolinas – vous les  avez reconnues, pour peu que vous soyez un poil assidu(e)s – sont une fois de plus à l’honneur. 
Portées avec une petite robe à froufrou, elles permettent de casser le côté un peu sage de la tenue et d’y ajouter subrepticement la touche de rock’n roll idoine. 

Autre article indispensable dans toute garde-robe qui se respecte, les bottes indiennes. À porter à toutes les sauces : avec une petite jupe, par-dessus un jean, sur des collants opaques, en pyjama, jambes nues, sans jambes du tout, etc. À toutes les sauces, j’vous dis. Et même par temps de chien, avec un bon imper mais expressément sans le chien (machine à crottes). Succès assuré.

Le look dandy, lui aussi, est de mise. Il sera, dit-on dans les milieux informés, la grande tendance de l’hiver 2010. Le concept est le suivant : afficher des airs de garçonnet battu par sa marâtre en s’affublant de vêtements piochés dans le vestiaire du cher et tendre. Effet garanti. 
Indispensable, la  gavroche juchée au sommet de la tête. Elle balise le chic comme le point final clôt la dictée.



Enfin, dernier élément sous le feu des projecteurs : la ceinture, déjà célébrée dans notre dernier post. Portée scrupuleusement à la taille, elle exalte les pleins et affine les déliés. Rien que ça. Version B.B. ou Marilyn à leurs très riches heures de triomphe sensuel, résolument irrésistible.

J.A


photos: Blandine Lejeune


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