Tag Archives: burn-out

Briend

22 mar

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Au boulot, sur le Net, et maintenant en politique, tutoiement de rigueur !  À l’heure où l’américanisme et le globish gangrènent le langage à grand renfort de « burn out » et de « fake news », le vouvoiement se ringardise. 

           Ainsi gagne l’esprit start up dans l’open space, et pas seulement chez les publicitaires et journaleux  en running et hoodie (traduisez sweat à capuche). Abolies les hiérarchies entre patron et secrétaire, entre cadre supérieur et p’tit stagiaire, il s’agit désormais de brainstormer à l’unisson autour d’une partie de baby foot et de s’enjailler (approximative contraction d’enjoy et de s’amuser) au rade du coin.  

          Même constat sur les plateformes en ligne type Vinted où l’on te remercie pour ta commande et te dit salut en t’appelant par ton p’tit nom.  Chez Apple ou Ikea, le service après- vente propose, après trente secondes de bla-bla, de poursuivre à la deuxième personne du singulier, histoire de faciliter la communication. On est potes, pas vrai ? Usage baptisé briend (contraction de brand et de friend) et qui en dit long sur la frénésie de l’homo ludens à vouloir de la « coolitude » à tout prix.  

         Accro aux réseaux sociaux, l’homme politique s’y met.  Sarko ouvrit la voie avec son célèbre « Casse-toi pauv’ con ! » qui lui valut d’être définitivement rangé dans la catégorie à dégager. Il fut suivi par Bernard Kouchner, taxé de colonialisme par suite d’un « J’ fais c’que j’veux, mon gars » lancé à l’ »humoriste » Yassine Bellatar sur France 2. Même punition pour notre Président en poste, dont le « bordel », qualifiant l’accueil houleux que lui faisaient les salariés d’une entreprise, a créé un tollé

         L’Église catholique s’est mise à tutoyer Dieu. Elle va peut-être l’appeler par son prénom. Triomphe de Vatican II, ou de Mai-68 ? Victoire des tenants de l’égalitarisme, en tout cas.  Désagrégation des barrières sociales, haine du pouvoir (des autres), rejet de l’autorité : voilà le catéchisme d’aujourd’hui. Difficile d’entrer en dissidence.  La religion du « tu » s’étend.

Jeanne Ably

 

PN

27 sept

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Puff Daddy, Sarko, Vincent Cassel dans Mon Roi de Maiwenn. Ajoutez votre voisin de palier : tous des PN (pervers narcissiques, en jargon psy). À la fois arrivistes, manipulateurs, menteurs, jaloux, égocentriques, mégalos mais aussi charismatiques, intelligents, enjôleurs, drôles et sociables. Avec eux on s’amuse. Ces prédateurs sans foi ni loi sont partout. Pas un magazine branché ou un site d’information qui ne tire la sonnette d’alarme pour mettre en garde contre ces dangers publics, proposant des tests savants pour mieux les démasquer. Modus operandi du PN : rendre accro sa proie en illuminant son quotidien par un feu d’artifice permanent. Témoins vos sœurs, copines et collègues de bureau qui toutes, sans exception, se plaignent d’être tombées dans le piège. Même vous, en y réfléchissant, vous vous demandez si votre mec, hein ? sous ses airs de gendre idéal, avec ses façons de séduire votre entourage et de vous couvrir de cadeaux à la moindre occasion…

Bien plus machiavélique et carnassier que le énième « salaud » rencontré sur Tinder, lequel bornera ses méfaits à ne plus donner signe de vie après consommation, le PN, tartuffe des temps modernes, vous humilie, vous vampirise, vous lessive, vous essore au jour le jour, jusqu’à vous conduire au burn-out. Objectif : vous détruire socialement en faisant le vide autour de vous. C’est sa manière à lui d’exister et de faire prospérer l’estime qu’il a de soi .

Mal du siècle ? Effet de mode ? Les experts et diseurs de vérités officielles expliquent la prolifération de cette espèce hautement toxique par un rapport à autrui de plus en plus utilitaire. Ils y ajoutent une culture de l’hyperconsommation qui pousse l’enfant-roi devenu adulte – et élevé par une mamounette – à séduire tout ce qui bouge afin d’apaiser un besoin frénétique de reconnaissance. Le père de ce maniaque, il faut le dire, est bien trop occupé à se snapchatter  et à jouer les super-héros ou les travestis dans des soirées déguisées pour se soucier de sa progéniture…

Reste que le fantasme de la nana moderne c’est le bad boy tendance caniche. Un mec tatoué, un repris de justice, un vrai méchant, si on est sûre qu’il poussera la poussette et qu’il changera les couches. Mais l’heure tourne. Joey Starr vous a posé un lapin ? Du balai, sale pervers !

Jeanne Ably

La vie en co

19 jan

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                       Venant du latin cum (« avec »), le préfixe co connaît son heure de gloire sous l’impulsion des sites de partage et autres initiatives collaboratives.  À l’heure où boire un verre en terrasse est une menace à peine moins grave que le gâteau fait maison (désormais banni des fêtes de classe dans les écoles publiques) ou que le plat 100% gluten servi aux tables amies, une priorité absolue : recréer du lien social, moyennant des plateformes qui mettent l’accent sur la notion de confiance.

                      C’est ainsi que l’adulescent optera pour le coliving, variante de cohabitation droit débarquée des Etats-Unis et consistant à vivre en communauté sans trop avoir à subir les odeurs intempestives émanant de son colocataire. Avec, en prime, un ingénieur social, sorte de chef de dortoir chargé d’organiser des activités de groupe et d’assurer cohésion et harmonie entre des résidents résolument nostalgiques de leurs chambrées de pensionnat.  Mieux que l’autostop, en tout cas plus prudent, le covoiturage donne l’occasion double, comme chacun sait, de réduire ses frais de bougisme et de partager des moments de griserie avec de belles personnes, toutes générations confondues. Dans le monde magique de la sharing economy, plus question de déprimer seul chez soi entre ses quatre murs. Les coffices ( contraction de coffee et d’office ) accueillent, à côté des espaces de coworking qui fleurissent dans les zones urbaines, les freelances, solopreneurs, slashers et autres travailleurs nomades sans bureau fixe.  Moyen efficace d’éviter, non pas le burn-out, en vogue dans nos sociétés d’hypocondriaques, mais le bore-out, épuisement professionnel dû à l’ennui. Car la cocotte en papier et les post-it ne suffisent plus. L’heure est grave. Le bureaucrate est en danger.

Jeanne Ably

Adulenfant

2 avr

L’homo sapiens est à la peine, en l’an 2015.

Plumé par la crise, menacé par la bombe et plombé par le burn-out, il ravale ses blagues politiquement douteuses et oublie ses projets de voyages, n’étant plus sûr de rien, du copilote ni du navire de croisière.

Son refuge, il le trouvera désormais dans les écoles maternelles et autres structures pour tout-petits, partout où se pratiquent ces thérapies de décompression : la grimace, le coloriage et la gommette.

La grimace est en tout cas une arme de séduction. La preuve : après avoir peuplé les magazines de créatures patibulaires et de mines catastrophées, les agences de mannequins les garnissent à présent de clowns femelles qui louchent ou tirent la langue. Tant mieux pour Cara Delevingne qui bâtit son succès sur l’aptitude supérieure qu’elle démontre à faire l’idiote, style cour de récré. Avec elle, on s’éloigne à pas de géant de la femme qui se contentait d’être belle et de sourire.

Sulfureux, le livre pour adulte ? Plus tellement, puisqu’il s’agit maintenant de coloriages, best-sellers administrés à nos contemporains par leurs psy pour les faire se détendre et oublier à la fois Houellebecq et l’hostilité ambiante. Ça s’appelle l’Art-therapy et ça se vend à des millions d’exemplaires, par les soins d’Hachette qui en bourre les offices.

Quant aux gommettes, elles se voient attribuer désormais le savant nom d’  » émoticones  » et s’échangent entre adultes, à longueur de journée, via l’iPhone ou Instagram.

Mais quoi ! Un peu de frivolité n’a jamais fait de mal à personne, qu’on ait 8 ou 80 ans.
Et puis, quand le sol tremble sous vos pieds, et qu’on est de la race des cigales, on n’en danse que mieux.

Suzanne Ably

Burn-out

4 avr

@Hélène Pambrun

 

Nouveau malaise dans la civilisation, jadis appelé grosse déprime, mauvaise passe, DN (pour dépression nerveuse), aujourd’hui donné comme la marque du ras-le-bol au boulot, ce mot composé s’impose d’autant mieux qu’il se prononce dans la langue de Shakespeare et qu’on lui évite la traduction douteuse des petits rigolos à l’esprit mal tourné.

Burn-out, entendez l’incendie intérieur qui ôte momentanément ou durablement à sa victime asphyxiée par les fumées professionnelles toute espèce de goût au travail et tout ressort. Utilisé pour la première fois en 1969 par Harold B. Bradley pour évoquer un épuisement radical au travail, puis repris par divers psychanalystes érudits, il est maintenant mis par tout le monde à toutes les sauces pourvu qu’il y ait quelqu’un qui bosse trop et s’en trouve mal.

Facteurs mis en cause : web, mail, call conf, bip, meeting, ical, facebook, twitter et tutti quanti. Merci l’Amérique.

Exemples de terrain :

Je suis directeur artistique d’une grande maison de couture française et j’ai voulu aller au-delà de ce qui s’est jamais fait, j’ai modifié la texture des tissus en les enterrant en forêt par les nuits de pleine lune… Burn-out.

Je suis une jeune actrice soudainement propulsée sous les projecteurs, j’ai profité de ma vogue soudaine pour réaliser un film, composer, produire, interpréter un disque, écrire un roman puis une pièce de théâtre, puis mes mémoires relatant tout ça… Burn-out

Je suis un chef d’entreprise qui a monté douze boîtes et malheureusement une de trop, celle qui m’a fait emprunter le millier d’euros fatal… Burn-out

Je suis un prof de bonne volonté avec envie de changer les choses, mais pas moyen dans ce monde cruel… Burn-out

Reste à savoir si ce mot fourre-tout fait avancer le Schmilblick ou s’il ne sert qu’à garnir les conversations d’un franglais pratique, entre deux name droppings et trois bises. Il n’est peut-être que le moyen d’en dire beaucoup tout en analysant le moins possible. Il faut dire que le monde moderne, pour aller vite, est contraint à des raccourcis.

S.A


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