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Chronologie du bobo

3 mar

Photo : Hélène Pambrun

 

Les bobos : combien d’échanges à leur sujet, combien d’articles de presse, de bouquins, de blogs en leur honneur, de sketchs, de quizz et combien de néologismes infamants : hipsters, boboland, broots, bobo lit, etc. Les pipelettes ne sont pas en reste de rubriques : les bobos et le bio, les bobos et Sopi, les bobos et le streetshopping, les bobos et le hamburger. Etc., etc.
     En ligne de mire : toi, moi, lui, elle, vous, nous tous.
     Démonstration : elle a  entre vingt et trente ans, porte un manteau de fourrure, adore les vieux bistrots et jouer à la pétanque sur les bords du canal : bobo ! Ils ont la trentaine, viennent d’acheter dans le dix-huitième, tiennent un blog et inscrivent leur marmaille dans des écoles privées : bobos ! Vous avez quarante balais, retapez une bicoque, mangez de saison et allez bosser à Vélib ? Bobo ! Eh oui, c’est ainsi : qu’on le soit né ou qu’on le soit devenu, qu’on refuse de l’être ou qu’on le revendique, on est tous des bobos de merde. Impossible d’y échapper.

Un peu de rétropédalage historique à propos de cette espèce proliférante.

2008 : victoire de Barack Obama. Jour de liesse pour le révolutionnaire dans l’âme, qui rêvait du sénateur Palmer de “24 heures Chrono” aux commandes de la planète, histoire d’effacer des siècles d’esclavage et de pouvoir adoooooorer sans scrupules NYC et South Beach.

2001 : élection de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris. L’assoiffé de culture et l’adepte du deux-roues ne pouvaient rêver pareille apothéose. Paris plage, Nuit blanche, Expos nocturnes, toutes les occasions sont “juste trop bonnes” pour s’en donner à coeur joie.

2000 : Le terme “bobo” apparaît pour la première fois sous la plume de David Brooks, journaliste, dans un essai intitulé “Bobo in Paradise”, pour désigner ces New-Yorkais à la pointe de la mode qui délaissent l’Uper East Side pour s’aménager des lofts dans des  entrepôts  désaffectés de Brooklyn. Phénomène qu’on appellera plus savamment «gentrification» et auquel est imputée l’augmentation du prix du mètre carré et du kilo de tomates dans les quartiers  populaires.
L’appellation s’étend au monde entier. À Paris, Londres, Barcelone, Moscou et même Marseille, Lyon ou Tours, oubliée la gauche caviar, le bobo devient la star des gazettes et des dîners, le gardien de la pensée unique, le leader des tendances.

1995 : Mise en place des Amap (associations pour le maintien de l’agriculture parisienne). Le bobo préfère trouver de la terre et des cailloux dans sa salade plutôt que des pesticides et du Paraben. Il vous sert des gratins de topinambours et des rutabagas poêlés, merveilles que le banlieusard avait reléguées dans la catégorie des “trucs qu’on mangeait pendant la guerre”.

1984 : Steve Jobs met au point le Mac, assurément plus looké et ergonomique que le PC de Gates (enfoiré de capitaliste). Suivent l’iPod, de l’iPhone et l’iPad (prononcer aïe!) pour lesquels le bobo vendrait père et mère et même sa bicyclette des années 30.

1981 : Création de Radio Nova. Musicalement libre, à fond pour le métissage des cultures et seule capable d’enchaîner un Bob Dylan, un vieux Miles Davis et un morceaux de funk inconnu au bataillon. C’est l’unique radio avec France Cul. à être digne du bobo. Lequel vient d’avoir une grande joie : l’élection de Mitterrand (François) à la Providence de la Ripoublique.

Jeanne Ably

 

Vernis

27 fév

Le vernis à ongles, jadis monopole des rombières et des filles de concierge, revient en force.

Moins tape-à-l’œil que le rouge à lèvres, moins cher qu’un sac Chanel, il est au bout de tous les doigts, depuis le baby spa jusqu’au cougouar (traduction du globish « cougar »), en passant par les first ladies et autres têtes couronnées.

Résultat : les bars à ongles à 5 € le badigeon – hors de prix, faut le dire – champignonnent dans la capitale à côté des bars à vins et des salons de coiffure bio.

Même le Monde dans son numéro du 10 février consacre au phénomène une page, tandis que les journalistes de mode se demandent quel ton, du gris taupe, du vert sapin, du beige pétale, du jaune mimosa ou du rose morning, arborera Kate Moss au printemps pour édicter ses Dix Commandements : ceux sans lesquels nous risquerions d’acheter le mauvais sac, ô rage, ô désespoir.

Jeanne Ably

 

Vélo

11 nov

Truc de bobo, au même titre que le Mackintosh ou les carottes bio : le vélo a la cote.
Concept store (En selle marcel) magazine trendy (Code d’accès), campagnes publicitaires (Lacoste), tous s’emparent du phénomène, reléguant le vélo de course du beauf à mollets au profit du pignon fixe du hipster.
Lequel, animal des villes, à la recherche constante d’un esthétisme, préfère de loin se casser une jambe dans les descentes plutôt que de rouler en Vélib, comble du crapoteux !
Quant à notre Parisienne, aussi snobe que rebelle, quel meilleur destrier qu’un vélo hollandais premier prix pour prendre quelques sens interdits et éviter le métro aux heures de pointe, indigne de son rang ?

Et qu’ça roule !

Jeanne Ably


 Code D’accès, sortie du numéro en Kiosque le 15 octobre 

Flexitarien

12 avr

Photo : Hélène Pambrun

 

Entendez : semi-végétarien.
       Le flexitarien – contraction de flexible et de végétarien – se proclame ennemi juré de la bidoche mais n’hésite pas à s’en bâfrer si l’occasion fait le lard rond (rires).
       Il se transforme en un redoutable carnassier dès que ça ne lui coûte rien : sorties au restau, méchouis, apéros vin rouge, burger-parties et autres réjouissances auxquelles on l’invite.
       À ses frais, il consomme du lait de soja et des graines en quantité industrielle. Mais dans les somnolences de sa digestion, il vous avoue que son plat préfèré c’est le steak tartare.
       Soucieux du sort réservé au poulet d’élevage, martyr de la consommation, il achète le sien sur les marchés bio. Car “végé” ou pas, le poulet dominical c’est sacré. Faut pas pousser, quand même.
       Bref, notre olibrius a tout compris : à l’instar d’une Gwyneth Paltrow et d’un John Lennon, flexitariens invétérés, il se donne bonne conscience sans trop se sacrifier : un sandwich au pâté, non merci ; mais un toast au foie gras sur lit de figue, ça oui  !
       Sur ce sujet ou presque, lire ou relire “Le Bœuf clandestin”, de Marcel Aymé.

Jeanne Ably

 

Smoking kills

29 mar

     Si c’était le nom d’un groupe de rock, il s’agirait plus d’un Codplay végétarien que d’un Pete Doherty héroïnomane.

     La génération “smoking kills” a lu les paquets de cigarettes. Du coup, elle essaie d’arrêter de fumer. Elle respecte la planète. Elle roule en Vélib, boit du vin Naturalia et choisit l’option “staycation” pour les vacances. Elle croit en un monde meilleur. Entendez : sans pollution. Elle s’occupe énormément de sa petite santé. Épluchures des cinq fruits et légumes quotidiens dans les sacs jaunes, plastique et boîtes de conserve dans les sacs bleus. Faites l’inverse, vous provoquerez de sa part un frémissement d’horreur. Les peaux de banane, elle les garde pour fabriquer le BRF qui servira à faire pousser des fines herbes sur le balcon.
    Génial, tout ça, et quiconque se moque a mauvais esprit.
    Là où ça se complique, c’est que de l’autre côté de la Manche ils commencent, dit-on, à prohiber la cigarette dans les espaces verts. Déjà la loi en a poussé plus d’un  à s’exhiber aux terrasses de cafés enveloppés de couvertures. Jusqu’où ira-t-on pour nous faire rigoler ?
    Jusqu’à l’interdiction du rire, pour cause de pollution sonore.

Suzanne Ably

 

La revanche du burger

13 oct

Qui l’eût cru ? Le burger devient branché.  Synonyme de malbouffe pour le “bio-tiful” people et emblème d’une culture américaine en berne, ce sandwich a trouvé une nouvelle jeunesse aux côtés des pommes frites maison et de la salade verte signée Naturalia.
Mais attention, s’agit pas de se le procurer au MacDo du coin, ça non !  L’homo parisianus, bien dans ses baskets tricolores made in NYC, se le prépare lui-même, n’hésitant pas à l’étoffer d’avocat ou de foie gras et à l’arroser d’un saint-estèphe. So chic !  Voilà  la crêpe-party reléguée au rang de goûter d’enfants, et le brunch de pain et de fromage quelque peu distancé. Le « burgie » règne désormais sur la carte des restos branchés avec la même autorité que le croque-monsieur sur celle du bistrot parisien. Témoin, le très hype Floors, dans le non moins hype dix-huitième arrondissement, qui vous le fait manger à toutes les sauces – et sans les doigts, s’il vous plaît.
Résultat de cette nouvelle vogue : Quick  se met à la page en proposant un burger garanti “bio”. On aura tout vu.

Jeanne Ably

 

SoPi

27 jan

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Has been de Saint-Germain-des-Prés, bienvenue à Sopi !  Entendez : South Pigalle. Paris prend des airs de Big Apple et s’invente des vocables pour désigner ces quartiers où il fait bon exhiber son dernier Jérôme Dreyfus au bras d’une rock star. La bonne blague ! Pourquoi pas Wema pour l’ouest du Marais ou Nomont pour le nord de Montmartre.
Autrefois repaire notoire de truands et royaume du proxénétisme, cette frange du  IXearrondissement avoisinant la rue des Martyrs est devenue le sanctuaire des bobos parisiens et des artistes chébrans. Les chanteurs Gonzalez et Hugues Coltman, Audrey Tautou,  Jean-Paul Gaultier, tous, sans exception, y ont assigné leur résidence, abandonnant leur bon vieux VIe aux seuls touristes et provinciaux. Avec le résultat qu’on devine : le centuplement du prix du mètre carré et du kilo de carottes.
Autre symptôme de boboïsation aiguë : les  boîtes de nuit tendance, salles de concert arty, restaus branchés, concept stores, sans oublier les boutiques bio (bio-bio !), commerces équitables et autres temples de la ménagère  hype s’implantent dans le quartier  à côté  des officines de strip-tease et des sex-shop à tenancier asiatique. Pour ne citer que quelques-uns de ces « délicieux de perdition » :  Chez Moune, les Trois Baudets, l’hôtel Amour,  Rose Bakery, autant de rendez-vous privilégiés des peoples évanescents et des ultra-lookés. Ils s’y réunissent pour virevolter sur le dernier titre de Vampire Week-End, mais surtout pour parler de la nouvelle expo où il faut à tout prix aller s’ennuyer à mourir, sous peine de mort sociale… Primauté de l’esprit. 

Jeanne Ably

 

 

 


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