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Flygskam

16 jan

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        Circuler dans les airs ? Pouah ! Bouh !  Fini le road-trip à l’autre bout du monde. Fini les vacances au soleil à Noël. L’homo touristicus éprouve soudainement un malaise en provenance du pays de sainte Greta : le « flygskam » (comprenez la honte de prendre l’avion).

        S’habiller vintage et trier ses mails, oui. Arrêter le bœuf en répétant à ses « kids » (ceux qu’on n’a pas pu s’empêcher d’avoir) que “chaque petit geste compte“, très bien. Encore faut-il surveiller son empreinte carbone, puisqu’on a appris ce que c’est.  Notre ami le Bobo, prêt à tout pour sauver la planète, façon pour lui de sauver son âme, redécouvre les joies du train pour aller courir à deux pas de chez lui la micro-aventure : randonnée pédestre en forêt de Rambouillet, descente en canoë dans  le Loiret. 

        La France regorge de trésors, sans compter ses trésors de patience. Bravant tous les obstacles, affrontant tous les dangers, la grève, les retards de quatre heures, les pannes, les suicides sur la voie, les manifs sur les rails, l’humeur des contrôleurs, les haut-parleurs inaudibles, le bain de foule, la promiscuité, l’ignominie de la place numérotée, etc., le Bobo ferroviaire fait mieux que tout le monde, même s’il fait comme tout le monde. 

       Il reste bienveillant, poli, serein. Son chemin de Croix lui laisse au moins le temps de réfléchir et de faire son examen de conscience en regardant défiler le paysage. Ne croyant plus à grand-chose, il doit bien se raccrocher à quelque chose. Ce sera donc l’écologie, la nouvelle religion qui transporte les foules. Elle le fait mieux que le TGV. Moins nocivement qu’un Boeing. Et quelle thérapie collective !

Jeanne Ably

Boubour

24 mai

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Retour aux sources et mort du politiquement correct ! Désormais on ne se gênera plus pour aimer les grosses bagnoles et l’andouillette sauce moutarde. Fatigué de ravaler ses grivoiseries face aux auditoires Nuit Debout et Mariage pour tous, le boubour (contraction de bobo et de bourrin ) se révèle intolérant à la pensée unique, tout comme le bobo au gluten.

Finies les retraites de méditation au thé vert, abandonnées les missions humanitaires dans les jungles du Nord-Pas-de-Calais. Tandis que d’autres prônent la mixité tout en inscrivant leurs chers petits dans des cours privés hors de prix, le boubour se la coule ostensiblement douce. Il passe ses vacances sur un yacht, porte des costards à dix mille euros pièce et se chausse chez John Lobb. Pur produit d’une droite décomplexée, symbole de la fachisation galopante qui a sacré Donald Trump, type accompli du miracle américain, et qui a failli nous valoir François Fillon, adepte des courses automobiles, l’hédoniste dernier cri ne craint d’afficher ni sa couleur politique, ni surtout ses instincts de dragueur, aussi honnis soient-ils.

Balayés les idéaux socialistes de respect et de justice sociale, incarnés par des modèles aux mœurs aussi pures que DSK et le président à scooter. L’heure est au machisme insolent, autant dire à la frime. Ce qu’il faut c’est laisser libre cours à ses instincts, swiper sans scrupules, se la coller à grand renfort de Ruinart millésimé, exhiber ses pectoraux en acier et ses mollets de centurion. Les années 70 furent une ère de “libération” où la femme s’en remettait à Moulinex plutôt que de s’instagramer dans une Womens March, et vivait dans l’obsession quotidienne d’amortir sa pilule. Nostalgique de ce temps, et amateur de sensations fortes, notre « connard d’hétérosexuel » (pour parler comme Beigbeider, chantre de la boubouritude) remate en boucle les films de super-héros et raffole du métal, ainsi qu’en témoigne la tragédie du Bataclan, où  s’était donné rendez-vous le tout-Paris bobo pour applaudir Eagles of Death Metal, groupe dont  le leader s’est toujours proclamé haut et fort pro-gun et anti-avortement.

Jeanne Ably

 

Marathon

25 avr

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       Ces temps-ci, la sauvagerie se signale volontiers par sa spécialité moderne  :  l’esprit de sérieux. Elle met de la gravité dans ce qui est léger, de l’horreur dans la distraction et des bombes au programme des courses à pied. Quoi de plus innocent que d’aimer transpirer en short Nike ? Quoi de plus sympathique qu’un marathonien à l’œuvre  ? Tout comme un chef d’État, cet amateur d’essoufflement affiche des mollets de centurion, une face cramoisie, des aisselles dégoulinantes : mais il est difficile de lui reprocher une action politique, encore moins une provocation. Seul reproche qu’on puisse lui faire : cette rage d’arborer le même équipement flambant neuf que le voisin. On l’aimerait moins soumis aux marques.
              La course à pied, communément appelé footing – ou, plus tendance, running –  explose littéralement, sans mauvais jeu de mots, sur le bitume de nos cités, damant le pion aux Pilates et autres Shiatsu et Vinyasa à la prononciation risquée. Avide de perdre ses deux ou trois kilos excédentaires, surtout depuis qu’il dévore le Fooding et snobe les clubs au profit des restos gastro, le bobo, toutes générations confondues, s’est mis au pas de course. Tandis que la Parisienne brillera à l’occasion de « runs » 100% féminins organisés par Nike ou avec le soutien de la Mairie de Paris ( Cf. La Parisienne) , son bobo de mari pousse le vice jusqu’à traverser l’Atlantique afin d’aller gonfler les rangs de ses congénères à baskets au très huppé marathon de New-York. Ils fuient ensemble les émissions de CO2 pour aller vibrer aux événements bucoliques qui champignonnent çà et là sous les appellations chantantes de Clermontoise, Meudonnaise, Pellouillase. Ce n’est pas tout : le bobo se convertit au trail, épreuve disputée en pleine nature, et au barefooting qui consiste à courir pieds nus sur le trottoir. Seul, entre potes, en famille, par groupes de dix ou vingt, c’est la  grand-messe du dimanche matin. Avec  le résultat que l’on sait : des allées de parc et autres pistes de stade aussi blindées que le périph’ aux heures de pointe.
              Fasse le ciel que cette armée pacifique soit épargnée, oubliée des combats de ce siècle.

Jeanne Ably

 

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Campagne

3 mar

Retour à la terre, mort du bling-bling, obsession du tout-vert : la campagne n’a jamais été aussi tendance. En témoignent l’agritourisme et l’Amour est dans le Pré, ces hymnes à la bouse de vache et au travail aux champs. Sans parler du Salon de l’Agriculture où se ruent les familles bobos pour s’extasier, à l’occasion de son cinquantenaire, sur le postérieur des vaches cauchoises et le dernier modèle de moissonneuse-batteuse avec tablette tactile.
Touchés de plein fouet par le syndrome Marie-Antoinette et – moins gai – par la hausse du mètre carré citadin, le parisien rêve de plus en plus d’une grange à retaper à deux heures du périph’. Le but : se ressourcer. Entendez : manger les produits du potager, en famille ou entre potes. Refaire le monde loin des fumées de bagnole et des panneaux publicitaires.
Les peoples donnent le “la” de cette symphonie pastorale : quand ce n’est pas Kate Moss qui chaudronne des confitures dans son manoir anglais, c’est Lily Allen qui veut emménager dans une yourte à Glatonsbury, ou Isabelle Marant, adepte de la new modestie, qui s’exile dans une cabane des environs de Paris, sans eau ni électricité.
Après, savoir si ces gens-là jouent le jeu jusqu’au bout, s’ils coupent leur iphone tout le temps d’un week-end… c’est une autre question.
Pratique, faut dire, l’application GPS, pour localiser le plus proche Auchan dans le trou-du-cul du monde.

Jeanne Ably

Photos : Hélène Pambrun


 

Amour 2.0

21 fév

                   Révolue l’époque où les mecs poireautaient à la sortie des lycées à grand renfort de Marlboro lights en attendant les filles qui se laissaient draguer. L’amour 2013 se trouve sur ordinateur par la magie d’adopteunmec.com, élu site de l’année par les magazines branchés et leurs bobos de lectrices.
                   C’est la grande nouveauté : Juliette ne se gêne plus pour crier sur les toits qu’elle cherche et trouve ses Roméos sur la toile. Le principe est connu : madame se balade dans les rayons, monsieur attend. Elle le jette dans son caddie, il affiche l’air content.  Pas de RSL ni de marivaudage. Au supermarché des rencontres, la cadresup’ aussi à l’aise dans ses Louboutin que dans ses baskets à talon choisit selon l’envie du jour, sans risque de passer pour la nympho de service ou la mal-baisée chronique. Un baroudeur à barbe de trois jours buvant sec et tirant sur des cigarillos, les jours de fêtes ; un agrégé de lettres aux ongles polis, les jours de semaine; un fou d’ Arte + 7, le dimanche soir. L’arrière boutique aux stocks sans cesse réapprovisionnés regorge d’articles mâles tous plus tentants les uns que les autres et propose même, à l’intention des gloutonnes, des spécialités régionales : le Corse ténébreux, le Marseillais supporteur de l’OM, le Sarthois caritatif, l’apatride méditatif. Qu’on se rassure : les produits dont la composition ou la provenance ne sont pas tout à fait sûres sont dégagés au même titre que, chez Fauchon, la lasagne au cheval roumain.  Et pas de temps à perdre : l’amour 2.0  est un produit qui se consomme vite fait bien fait, économie faite de l’amour et du hasard. Deux ingrédients définitivement has been.

Jeanne Ably

Bomeur

18 nov

Ce n’était pas bien compliqué : bomeur, contraction de « bobo » et  de « chômeur ». Dans une société qui sécrète le néologisme comme la pop star, Nathanaël Rouas, ex-créa’ de son état, a eu la riche idée de fondre les deux termes pour donner naissance à ce nouvel alliage lexical et urbain. Là où d’autres se contentent de bayer aux corneilles, notre jeune homme de 28 ans, plus moraliste que sociologue, crée dans la foulée un Tumblr dans lequel il raconte (avec humour) le quotidien passionnant de cette espèce en voie de prolifération, dont il se pose en spécimen représentatif.

Sans parler du reste : page Facebook, compte Twitter, application Instagram, etc., où il relaye l’info à grand renfort d’updates. Lever 11 h, 13 h déj en terrasse avec un pote, suivi d’un pseudo rdv boulot où ça parle projet ultraconfidentiel autour d’un p’tit café. Enfin apéro, puis sortie en club. Ainsi de suite. Le bomeur, à l’instar du chômeur, voire du slasheur, cultive l’art de se la couler douce en bonne conscience.  Ses dix stages de trois mois enchaînés et terminés, il profite d’un premier CDD de six mois pour pointer au Pôle emploi. Moyennant quoi il peut partir faire des photos à l’autre bout du monde, tandis que les copains se tuent à des burn-out dans les open spaces.

En soi, rien de nouveau, si ce n’est que les médias (Libé et les Inrocks en tête), en quête de sujets, s’emparent du phénomène et alimentent le buzz. Conclusion : de bomeur, voici notre histrion promu VIP. On connaît la suite : bientôt l’entrée du mot dans le Petit Robert. Et demain un roman chez Grasset. En attendant, Nathanaël court les plateaux de télé et les interviews.  Il y a de bonnes idées qui sont des coups de génie.

Jeanne Ably

 

Monop’

12 nov

Clientèle branchée, lumière tamisée, inscriptions pop art, vêtements de créateurs… Bienvenue chez Monop’ !  Le bobo, qui raffole du beau-beau et fait ses courses au jour le jour, trouve en Monoprix son enseigne fétiche. Fini le shopping chez APC et Bonton : la Parisienne, victime elle aussi de la crise, trouve son bonheur à tous les rayons : même à celui des messieurs, où elle relooke son mec de pied en cap. Faut dire, Monop’ possède son propre bureau de style, lequel défriche les tendances avec une promptitude de puma et multiplie les collaborations avec les plus grandes griffes de la mode à l’instar de H&M. Côté bouffe, la chaîne de magasins, née à Rouen en 1930 via une image de supermarché populaire à bas prix, crée le buzz avec ses packagings wharoliens et ses slogans accrocheurs, du type « Non au junk design », qu’on trouve placardé à tous les coins de rue. Ce n’est pas tout : surfant sur la vague bio, Monop’ remplit ses rayons de galettes de riz et de quinoa 100% green. Elle fait la une des magazines et n’hésite pas à hausser une boîte de tomates au statut d’oeuvre d’art pour les besoins de sa campagne publicitaire signée Havas City, avec les honneurs du centre Pompidou en 2010.  Rien que ça.  Bientôt un carré VIP dans les boutiques de la capitale et, qui sait, un physio à l’entrée des lieux. La petite est devenue grande.

Jeanne Ably

 

 

La revanche du super-héros

30 août

                Révolution au cinéma, le justicier costaud n’a plus rien à envier à Élodie Bouchez ni à la muse de Ken Loach. Il les a remplacés dans le cœur du branché. Has been, le dépressif anorexique d’Almodovar ! Rendu à son triste sort, le looser new-yorkais à états d’âme ! Fini, le snobisme antiblockbuster ! Pour créer l’émoi, plutôt que de raconter le dernier film japonais sous-titré coréen enduré l’autre soir sur écran plat en sirotant sa soupe miso, mieux vaut proclamer qu’on est allé voir le dernier Batman .

               L’adulte s’étant mué en adulescent, il délaisse les cause sociales, jugées rébarbatives, pour les héros de son enfance. Lesquels se distinguent par une cuirasse en plastoc incassable, par une capacité à voler sans avoir pris de cours de parapente, et par une schizophrénie sur laquelle les freudiens pourraient aligner des thèses.

              Et pendant que le bobo français blablate, son homologue américain agit.

             Aux États-Unis, la mode  fait rage : devenir l’un deux. Pas un psychanalyste freudien, non. Mais un de ces héros qui sauvent des vies fictives, faisant au besoin quelques cadavres réels (tuerie du Colorado).

             Il est possible là-bas de tomber sur Superman ou Speederman au bas de chez soi  — et même, avec de la chance, sur une Catwoman aussi sexy qu’Halle Berry. Ces personnages désormais courent les rues. Sous leur panoplie se cache la frustration de ne pas pouvoir plus souvent rigoler en habit de lumière, et sans doute un refoulement de.justiciers avides de distribuer cotons-tiges et paquets de chips aux miséreux. 

            Il est vrai que dans leur costume et sous leur masque, le prestige est assuré. Plus besoin de faire des miracles. L’allure suffit.
Si Jésus avait porté un loup noir et des oreilles de rat, il aurait fait carrière.

Suzanne Ably

 

Bistronomie

11 juil

Adieu les boîtes de nuit où l’on transpire et risque un tir de fusil de guerre, le nec plus ultra est de sortir dans les restos branchés de l’Ouest parisien. Le bobo, qui tient à sa peau, raffole des choses simples et s’y connaît en bonne bouffe, délaisse les carrés Vip du Baron et du Montana pour une résa à la Régalade ou au Saturne, temples de la bistronomie. Ce concept fait rage depuis peu. Sa toute première évocation est due au jury du sacro-saint Fooding, qui salua en 2004 l’alliance de l’esprit canaille du bistro avec la subtilité d’une gastronomie pointue. À présent s’en réclament tous les Aveyronnais de l’Aveyron et même du Cotentin qui sont montés faire fortune à la capitale. Du coup, les chefs étoilés rangent au placard nappes blanches et cuisine moléculaire et sortent les tables en Formica pour y servir les archi-traditionnels bœuf-carottes et poule au pot. Tatoué et barbe de six jours, ce cuisinier 2012, véritable pointure des temps modernes, rejoint son pote DJ dans les magazines branchés, prend la pose et claque des bises à son client. Lequel se soucie moins de manger pour son argent que de se sentir « à la cool » entre gens du même moule, et de le prouver à tous ses « friends » et « friends de friends ». Ce que facilite le smartphone. Photomanie oblige.

Jeanne Ably

 

 

Foot

21 juin

Photo : Lancelot Lippi

 

Entre rugby et foot, le cœur bobo balance.

Tandis que le premier, jadis apanage des socialos du Sud-Ouest, devient peu à peu un spectacle fétiche pour dames seules et middle classe propre sur elle, le second, inventé par les curés pour leurs collégiens boutonneux, gagne du terrain à grand renfort de pizzas Hut et de canettes de Kronenbourg.

Le bobo, qui d’ordinaire ne mange sa Marguerita que chez l’Italien de son quartier – le meilleur de Paris – fait une entorse à ses sacro-saintes habitudes et reste dans son canapé. L’occasion est trop belle.

Se retrouver entre potes pour mater le match plutôt que d’aller s’infuser la dernière expo, quelle aubaine. On brillera tout autant dans les dîners mondains. La culture foot est une culture de pointe. Le must : aimer Platini, les arrières à queue de cheval et pouvoir raconter dans l’ordre les neuf buts marqués par l’actuel patron de l’UEFA lors de l’Euro 84. C’est la preuve qu’on regardait le foot bien avant Zidane. On soutiendra aussi (avec flamme) que, pour la gloire du football français, mieux vaut aller subir une défaite à Séville que remporter une victoire à Saint-Denis.

Le bobo n’oubliera pas de rendre hommage sur les réseaux sociaux à l’illustre Thierry Roland et proclamera qu’il a été bercé toute sa jeunesse par les saillies de ce personnage. Il pourra demander ensuite qui il était, au juste.

Cultiver son authenticité exige une science raisonnée des amusements de la plèbe. Cet Euro 2012 nous donne une belle occasion de progresser dans cette science.

Jeanne Ably

Merci encore une fois à L. Lippi pour ses lumières

 

Le prénom

24 mai

Emma, Billie, Jeanne, Lou, Lola d’un côté, Noé, Gaspard, Joseph, Enzo, Sacha de l’autre

À chaque époque son lot de prénoms entendus et réentendus jusqu’à l’écœurement parfois, jusqu’à l’indifférence le plus souvent, tantôt amputés d’une, voire deux syllabes, tantôt déracinés de leur terre, et toujours le même débat : comment faire original sans  friser le ridicule, comment  faire classique sans être taxé de sale réac ?
Ne rien dire à personne ou mieux, se décider à la dernière minute (puisqu’on aura préféré, bien sûr, ne pas connaître à  l’avance le sexe de son enfant) sans se soucier du qu’en-dira-t-on, aussi insidieux qu’un revers lifté sur ligne de fond de court. Sujet donc hautement sociologique, qu’ont eu la bonne idée de mettre en scène sur les planches, puis au cinéma, Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte, héritiers du duo de choc Bacri-Jaoui, avec dans le rôle de l’antibobo à Rolex (qui assume de rouler en décapotable et de passer ses vacances sur un yacht, lui) le séduisant Patrick Bruel face à un Charles Berling remonté comme une pendule dans son personnage d’intello de gauche.
Évidemment ces deux-là, que tout oppose malgré l’amitié qui les unit depuis l’enfance, n’ont pas le même cahier des charges entre les mains. Tandis que l’un nomme sa progéniture Appolin et Myrtille, en bon bobo du 9e arrondissement, l’autre, agent immobilier prospère, crée la discorde voire l’inssurection au sein de sa famille, durant 1 h 45 de film à huis clos, en révélant le prénom qu’il a choisi pour son enfant à naître. Et pas n’importe lequel. Il fallait oser.  Patrick l’a fait.  Et rien que pour ça, on court voir Le prénom avant qu’il quitte l’affiche.

Jeanne Ably

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Chronologie du bobo

3 mar

Photo : Hélène Pambrun

 

Les bobos : combien d’échanges à leur sujet, combien d’articles de presse, de bouquins, de blogs en leur honneur, de sketchs, de quizz et combien de néologismes infamants : hipsters, boboland, broots, bobo lit, etc. Les pipelettes ne sont pas en reste de rubriques : les bobos et le bio, les bobos et Sopi, les bobos et le streetshopping, les bobos et le hamburger. Etc., etc.
     En ligne de mire : toi, moi, lui, elle, vous, nous tous.
     Démonstration : elle a  entre vingt et trente ans, porte un manteau de fourrure, adore les vieux bistrots et jouer à la pétanque sur les bords du canal : bobo ! Ils ont la trentaine, viennent d’acheter dans le dix-huitième, tiennent un blog et inscrivent leur marmaille dans des écoles privées : bobos ! Vous avez quarante balais, retapez une bicoque, mangez de saison et allez bosser à Vélib ? Bobo ! Eh oui, c’est ainsi : qu’on le soit né ou qu’on le soit devenu, qu’on refuse de l’être ou qu’on le revendique, on est tous des bobos de merde. Impossible d’y échapper.

Un peu de rétropédalage historique à propos de cette espèce proliférante.

2008 : victoire de Barack Obama. Jour de liesse pour le révolutionnaire dans l’âme, qui rêvait du sénateur Palmer de “24 heures Chrono” aux commandes de la planète, histoire d’effacer des siècles d’esclavage et de pouvoir adoooooorer sans scrupules NYC et South Beach.

2001 : élection de Bertrand Delanoë à la mairie de Paris. L’assoiffé de culture et l’adepte du deux-roues ne pouvaient rêver pareille apothéose. Paris plage, Nuit blanche, Expos nocturnes, toutes les occasions sont “juste trop bonnes” pour s’en donner à coeur joie.

2000 : Le terme “bobo” apparaît pour la première fois sous la plume de David Brooks, journaliste, dans un essai intitulé “Bobo in Paradise”, pour désigner ces New-Yorkais à la pointe de la mode qui délaissent l’Uper East Side pour s’aménager des lofts dans des  entrepôts  désaffectés de Brooklyn. Phénomène qu’on appellera plus savamment «gentrification» et auquel est imputée l’augmentation du prix du mètre carré et du kilo de tomates dans les quartiers  populaires.
L’appellation s’étend au monde entier. À Paris, Londres, Barcelone, Moscou et même Marseille, Lyon ou Tours, oubliée la gauche caviar, le bobo devient la star des gazettes et des dîners, le gardien de la pensée unique, le leader des tendances.

1995 : Mise en place des Amap (associations pour le maintien de l’agriculture parisienne). Le bobo préfère trouver de la terre et des cailloux dans sa salade plutôt que des pesticides et du Paraben. Il vous sert des gratins de topinambours et des rutabagas poêlés, merveilles que le banlieusard avait reléguées dans la catégorie des “trucs qu’on mangeait pendant la guerre”.

1984 : Steve Jobs met au point le Mac, assurément plus looké et ergonomique que le PC de Gates (enfoiré de capitaliste). Suivent l’iPod, de l’iPhone et l’iPad (prononcer aïe!) pour lesquels le bobo vendrait père et mère et même sa bicyclette des années 30.

1981 : Création de Radio Nova. Musicalement libre, à fond pour le métissage des cultures et seule capable d’enchaîner un Bob Dylan, un vieux Miles Davis et un morceaux de funk inconnu au bataillon. C’est l’unique radio avec France Cul. à être digne du bobo. Lequel vient d’avoir une grande joie : l’élection de Mitterrand (François) à la Providence de la Ripoublique.

Jeanne Ably

 

Goutt’d’or

10 fév

Un nom précieux pour cette pépite mitoyenne de Montmartre, mère patrie du regretté Alain Bashung et de Fabrice Lucchini. Pas des moindres.

Sortant du métro Château-Rouge, ce n’est pourtant pas les paillettes qui sautent aux yeux. Il faut se frayer un passage entre les « poulets » à la main lourde (pour ce qui est de distribuer les prunes)  ; les marchands à la sauvette (qui jouent au chat et à la souris avec les CRS) ; et la foule omniprésente et pérorante des piétons.

On prend des rues aux noms agréablement franchouillards, rue des Poissonniers, rue Poulet, rue de la Charbonnière…

On s’aventure dans ce Wall Street du deal, population haute en pigments et bourrée de piments. Allées et venues et brouhaha intenses, ruelles pleines d’odeurs et de voix résonnant entre les beaux immeubles, pavé garanti « vieux Paris », celui d’Aristide Bruant, l’ancêtre de Brassens et de Doc Gynéco. Plus trash mais aussi plus underground qu’Amélie Poulain.

Dans ce décor, point de Japonais dégainant un Canon EOS550D, ni de bars à sushis, ni de boutique American Apparel. Amis de Saint-Germain-des-Près et du Marais, qu’attendez-vous pour consulter le PAP et connaître enfin la vraie vie ?

Ici, on trouve de quoi faire le maffé. Sur ce marché parisien sont importés diverses sortes de légumes africains, en quantité si importante, dit-on, que les gens de là-bas en sont privés. Mythe urbain ? En tout cas, la banane plantain arrive par conteneurs entiers tous les jours à la Goutt’ d’or.

Pas seulement elle. La charcuterie du Cochon d’Or porte bien son nom. Tenue par un couple charmant, dont le mari a été immortalisé par le célèbre Martin Parr pour l’exposition « The Goutte d’Or », la boutique propose du porc pur porc, de l’alcool avec alcool et autres délicatesses prohibées. On est conquis.

Avec un peu de chance, vous croiserez un « dandy sapeur« , au chic inégalable, régnant sur le périmètre. Instant de grâce.

Ce morceau de Paris n’inspire pas seulement les photographes. Les romanciers l’ont chanté. Zola y planta un décor de son « Assommoir », et Bernard Nabonne en tira un récit au titre sans équivoque : « La Goutte d’Or ». Mais c’est Malika Ferdjoukh qui en parle le mieux. Elle confie dans un manifeste collectif, « Lire est le propre de l’homme » (l’école des loisirs, éditeur)  LA rencontre qu’elle y fit dans son enfance : celle d’Yvette, la prostituée qui lui a donné le goût des livres.

À  la Goutte d’Or, pas encore de jeunesse dorée, mais des bobos par convois, avec ce qui va avec : fleuristes, crêperies bio, « petits » cavistes à cent euros la bouteille, et même un projet de fabrique de bières artisanales.

Pas encore de boutique The Kooples, Dieu merci. Cette goutte-là ferait déborder le vase d’or.

Suzanne Ably

 

Mais pourquoi tant de haine ?

7 déc

2005 –  « Je vais bien ne t’en fais pas » cartonne. Tandis que la chanson « Lili » du groupe Aaron passe en boucle, la jeune actrice du film, répondant au nom de Mélanie Laurent, fait la « une » des magazines et enchaîne les rôles, jusqu’à en décrocher un dans « Inglorious Bastard » du prestigieux Tarantino aux côtés du non moins prestigieux Brad Pitt.
Mais le conte de fées cafouille. Mélanie Laurent, que tout destinait au décollage foudroyant, a des ratés. En moins de deux, l’idole perd de l’altitude, et il devient presque audacieux d’affirmer qu’elle n’est pas si mauvaise que ça. Dès lors, tout s’enchaîne. Les bourdes se succèdent. Un album avec Damien Rice la précipite dans la catégorie des actrices-françaises-agaçantes-qui-ne-savent-pas-chanter-mais-qui-l’assument. Une vidéo fait le buzz, où on la voit, toute de Sandro et de Maje vêtue, se plaindre de la haine qu’elle suscite.  Et maintenant son film, « les Adoptés ». La comédienne d’à peine 29 ans est désormais réalisatrice : ce n’est pas ce qui va lui rendre la faveur du public. Ce premier long-métrage nous la montre en bobo qui en veut à sa sœur d’avoir raté le brunch du dimanche parce qu’elle a trouvé l’amour et pas elle. Jolie mise en scène (la cinéaste débutante s’est entourée d’une bonne équipe, dans le genre clip), mais trop de clichés, de références à des auteurs anglo-saxons (Mélanie s’y connaît en littérature), de décors de sitcom et de dialogues de fifille. Ultime erreur : l’actrice, Marie Denarnaud, inconnue au bataillon, qui ensoleille par sa justesse et sa fraicheur toute la première partie du film. Mélanie n’aurait pas dû se montrer à côté d’elle. Il y a des risques à ne pas prendre.

J.A

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Paris versus New York

16 nov

 

Entre Paris et New York, le cœur bobo balance.
D’un côté l‘élégance et le romantisme français, de l’autre la ville de tous les possibles…
Si  la Parisienne raffole :
– de son vélo chiné dans une FAT (foire à tout),
– de sa baguette croustillante trempée dans un p’tit crème  (et servie accessoirement par un garçon de café à la muflerie bien française ),
– de son 120 mètres carrés décoré par ses soins moyennant force lectures de blogs déco,
– et de ses « soldes presse » Isabel Marant…
qu’est-ce qu’elle ne ferait pas aussi pour vivre dans un loft à Brooklyn, se déplacer en « cab », pouvoir faire du shopping le dimanche un mug de « cafe latte » à la main, et se bâfrer de bagels .
Dans un blog intitulé Paris vs. NYC, Varham Muratyan, graphiste de son état et New-Yorkais de naissance,  dessine jour après jour ce match urbain des plus amicaux.  Succès tel qu’une expo était organisée en septembre chez Colette, suivie d’un livre qui vient de paraître aux éditions 10-18 et qui présentement fait le buzz.

Il y a de bonnes idées qui sont des coups de génie.

Jeanne Ably

Photo: Hélène Pambrun

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