Search results: génération de profils

Génération de Profils

17 oct

Devinette:
Il a transformé un geeck boutonneux de White Plains au sex appeal de limace (option latin-grec, tout de même) en milliardaire.
Il est entré en bourse, brasse des millions, émeut le CAC 40.
Il inspire le cinéma.
Ses deux syllabes américanoïdes sont sur toutes les lèvres.
Il relie le quidam du Vaucluse au berger des Pouilles en un clic,
l’habitant du Larzac au plouc du Montana en un poke,
le poète de l’Alaska au griot d’Afrique en un like!

BONNE RÉPONSE  !
Facebook tag, fédère, associe, retrace.
Nous offre le don d’ubiquité dont nous rêvions.
Plus question d’être citoyens de la France ou du monde, nous sommes  des moucherons pris au piège de la vaste Toile sous la domination de l’araignée suprême.

Attention, rien n’est gratuit.
Il y a quelque chose que Facebook nous prend en échange de notre omniprésence planétaire : il est « facephage ».
Nous lui avons cédé notre face pour devenir profil. Bas.
Nos milliers d’amis, nos enfants, nos neveux, nos tantes et nous-mêmes…  par générosité ou par zèle, nous balançons tout : nom de l’âme sœur, échographie du bébé à naître (profil prénatal), photos de famille, de vacances, d’accouchement, infos sur notre santé, plats que nous mangeons, choses que nous pensons, endroits où nous nous grattons…
Jusqu’où continuerons-nous de perdre la face?

Suzanne Ably

Selfie

12 mar

                 Bienvenue dans l’ère de l’autoportrait à la sauce Instagram. Aujourd’hui, pour avoir l’air cool,  inutile de passer derrière les platines ou d’enchaîner les gardes à vue, suffit de se prendre en photo la bouche en cœur avec son i phone 5,  à charge de balancer le résultat sur les réseaux sociaux. Fastoche.

Couronné « mot de l’année 2013″ par les dictionnaires Oxford, le selfie sévit aussi bien chez les ados à boutons que chez  les stars hollywoodiennes ou les représentants du peuple, sans oublier bien sûr les journalistes, qui alimentent le buzz, ou le malheureux pape François, pris en flagrant délit de selfie à son insu.

Le principe est simple, connu de tous : offrir au plus grand nombre, friends, friends de friends, friends de friends de friends, ex-petits copains, cousins issus issus de germains, le spectacle instantané de son très cher « moi », moi sortant de la douche, moi  caressant le chien du voisin, moi une bière à la main, moi faisant la mayonnaise, moi m’occupant de moi, et ainsi de suite.

Mais attention. L’exercice requiert dextérité et pertinence, à en croire les nombreux magazines et blogs qui disent comment réussir son cliché  : éviter le flash, bien se positionner, ne pas tendre le bras trop loin, penser aux reflets dans ses lunettes de soleil – lesquelle sont l’accessoire indispensable, apprend-on, chouette alors.

Mieux que sa nouvelle paire de Van’s, son burger maison ou ses dernières vacances à L.A.,  le selfie, véritable prouesse,  donnerait l’occasion , selon les experts qui n’ont pas manqué de se pencher sur la question, de se créer enfin son identité idéale. Il serait surtout le moyen de susciter l’envie, but suprême de l’existence, en permettant d’engranger plus de likes et de smileys que sa copine Rachel.

Après facebook qui nous fait perdre la face,  le selfie achève de réduire l’homo ludens  à l’état de profil. Nous v’là bien.

Jeanne Ably

Burn-out

4 avr

@Hélène Pambrun

 

Nouveau malaise dans la civilisation, jadis appelé grosse déprime, mauvaise passe, DN (pour dépression nerveuse), aujourd’hui donné comme la marque du ras-le-bol au boulot, ce mot composé s’impose d’autant mieux qu’il se prononce dans la langue de Shakespeare et qu’on lui évite la traduction douteuse des petits rigolos à l’esprit mal tourné.

Burn-out, entendez l’incendie intérieur qui ôte momentanément ou durablement à sa victime asphyxiée par les fumées professionnelles toute espèce de goût au travail et tout ressort. Utilisé pour la première fois en 1969 par Harold B. Bradley pour évoquer un épuisement radical au travail, puis repris par divers psychanalystes érudits, il est maintenant mis par tout le monde à toutes les sauces pourvu qu’il y ait quelqu’un qui bosse trop et s’en trouve mal.

Facteurs mis en cause : web, mail, call conf, bip, meeting, ical, facebook, twitter et tutti quanti. Merci l’Amérique.

Exemples de terrain :

Je suis directeur artistique d’une grande maison de couture française et j’ai voulu aller au-delà de ce qui s’est jamais fait, j’ai modifié la texture des tissus en les enterrant en forêt par les nuits de pleine lune… Burn-out.

Je suis une jeune actrice soudainement propulsée sous les projecteurs, j’ai profité de ma vogue soudaine pour réaliser un film, composer, produire, interpréter un disque, écrire un roman puis une pièce de théâtre, puis mes mémoires relatant tout ça… Burn-out

Je suis un chef d’entreprise qui a monté douze boîtes et malheureusement une de trop, celle qui m’a fait emprunter le millier d’euros fatal… Burn-out

Je suis un prof de bonne volonté avec envie de changer les choses, mais pas moyen dans ce monde cruel… Burn-out

Reste à savoir si ce mot fourre-tout fait avancer le Schmilblick ou s’il ne sert qu’à garnir les conversations d’un franglais pratique, entre deux name droppings et trois bises. Il n’est peut-être que le moyen d’en dire beaucoup tout en analysant le moins possible. Il faut dire que le monde moderne, pour aller vite, est contraint à des raccourcis.

S.A


Social Widgets powered by AB-WebLog.com.