Un road movie sans voiture
23 sept
Vous pouvez tendre l’oreille. Aucun bruit de moteur dans ce film ou alors discret, lointain, négligeable. Le pot d’échappement n’a pas sa place dans ce rêve éveillé. Il romprait le charme de cet Easy rider solitaire et pédestre.
Antoine, 20 ans, déambule au hasard et le fait à pied, à vélo, à la rigueur à cheval, surtout pas en voiture. Il veut voir la mer. Envie soudaine de troquer la ville et le quotidien contre un horizon. Pas simple, quand il est tard, et qu’au guichet de Saint-Lazare le préposé veut à tout prix que vous lui précisiez pour où et quand, votre billet – en tout cas, pour combien ?
Une envie de voir la mer ne se chiffre pas en euros, ne se réduit pas à un numéro de département. Une envie de voir la mer traduit un but qui n’a ni destination ni prix et qui se moque des horaires de la SNCF, aussi déplacés dans vos aspirations vagues que les bruits de moteur. N’empêche que le train pour la Normandie ne partira que demain matin et qu’il va falloir attendre.
S’ensuit l’errance d’Antoine, oiseau de nuit blanche sur l’asphalte noir. Il traîne de zinc en zinc, drague une fille très jolie, se repose chez une autre qui l’est moins, éconduit un empressé, s’improvise médecin face à un Jacques Weber qui donne toute sa prestance à l’hypocondrie, s’invite à un anniversaire, se prétend astronaute, parle de Proust, dit des vers et fait des choses qui ne se font pas, sans intention de nuire, simplement mû par l’automatisme de la fatigue et par l’approche de l’aube.
Tommy Weber nous plonge dans les songeries d’une nuit parisienne dont le rythme de totale soumission au hasard nous rappelle le Somewhere et le Lost in translation de Sofia Coppola, ces deux évocations du vide des heures aux faux airs de Nouvelle Vague et de Mépris de Godard.
Le noir et blanc confère à cette fresque nocturne l’esthétique de ces moments où rôdent des riens, où la nuit se mêle à l’ennui, nous laissant dans l’état de douce mélancolie que procurent les chansons de Léonard Cohen et les fados d’Amalia Rodriguès.
Avec Quand je ne dors pas, Tommy Weber nous dit de ne pas nous coucher tôt, et nous suivrons son conseil. La seule façon de bien dormir est de dormir debout.
Suzanne Ably
Quand je ne dors pas, de Tommy Weber, avec Aurélien Gabrielli, Elise Lhomeau, Hortense Gélinet, Stanley Weber, Mohamed Kerriche, Antoine Reinartz, Romuald Szklartchik, durée 1h22, Sortie le 30 septembre.