Archive | janvier, 2011

Effet boeuf

31 jan

Plus de honte à manger une bonne grosse entrecôte avec des frites, bordel. C’est avéré : la bidoche est tendance.
N’en déplaise aux crudivores qui végètent à rien (ha! ha!), le cadavre d’animal envahit nos mœurs. C’est un raz de carnée : couturiers, artistes, journalistes, tout le monde s’y met. Lady Gaga arbore un bikini de faux-filet pour le Vogue nippon de septembre, et quinze jours plus tard elle remet ça en look “total bifteck” pour la cérémonie des MTV Vidéo music awards.
À Paris, l’expo « Carne » crée l’événement au 104 au mois d’octobre. Au programme, démonstrations d’équarissage et installations bovines. Objectif : sublimer l’esthétique de la chair et sa puissance évocatrice.
Même combat pour les Blacks Lips, groupe de rock garage ultra-tendance, qui posent pour le magazine Vice lestés de kilos de viande rouge, leur péché mignon. Quant aux adeptes du régime Dukan, on ne les compte plus. Ils se bourrent de volailles face à vous qui chipotez un fenouil. Et en plus, ils maigrissent.
Gloire à la protéine animale ! La palme revient à ces bouchers-bohèmes, comme les surnomme Brooklyn, tatoués et bloggeurs, qui ont tout plaqué non pas pour faire un one man show ni du yoga tantrique, mais pour se consacrer à leur passion : le ruminant en tranches.
Mais attention, pas n’importe quels ruminants. Ces gens-là sont en contact avec l’éleveur local. Parce que, d’accord pour se taper un tournedos, mais encore faut-il qu’on nous le certifie bio. Et qu’on nous le garnisse de carottes et de haricots du jardin. Le Mac-do, le kebab ? Pouah !

Jeanne Ably

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Religion mobile

26 jan

      Apple est un génie.
      Il a changé les mentalités, bouleversé les mœurs.
      Depuis longtemps déjà nos téléphones remplaçaient nos montres à nos poignets, nos agendas dans nos sacs, nos réveils à nos chevets. À présent Macintosh engendre le téléphone polymorphe qui nous donne l’impression de détenir la télécommande du monde. Avec ses I-phone 1, puis 2, puis 3, puis 4, le soleil se lève sur une humanité qui va muter.
    Ainsi nous est rendu ce que la religion offrait jadis : la foi et l’amour. Dans un monde où la désillusion prenait le pouvoir, nous retrouvons nos bases. Reléguant les anciens messies, nous pouvons à nouveau nous prosterner. Bienvenue chez les divinités Appli ! Hipstamatic, Cydia, Facebook, ça sonne largement aussi bien que Jésus et Moïse. Seul détail inquiétant : de plus en plus, nous sont infligées les effusions du téléphoneur envers son téléphone. Dans le métro, au restaurant, à la table familiale, c’est une débauche de petites caresses du bout des doigts, un pelotage doux et régulier. Si l’appareil casse ou disparaît, l’amoureux pique sa crise.
     L’i-phone sème le trouble dans le couple, vole l’homme à la femme et vice et versa. Menace pour la perpétuation de l’espèce ?

Suzanne Ably

Pensée funèbre

21 jan

    Qu’on me pardonne ces quelques lignes d’émotion. Vendredi 20 janvier 2011, obsèques de Jean Dutourd à St-Germain-des-Près. Les écrivains sont comme les amoureux : un de perdu ne signifie pas qu’on en retrouvera dix. La supériorité de la littérature, c’est que le style demeure. Les lecteurs de ces deux chefs-d’oeuvre que sont “Les Horreurs de l’amour” et “le Demi-solde” s’en réjouissent.

    Quant à moi personnellement, humble pipelette prénommée Suzanne, il me reste ce petit mot me concernant, qui fut adressé voici quelques années à mon père, et qui m’est précieux.

S.A

 

Hit-pute

19 jan

Après l’hôtesse de caisse, l’agent d’ambiance, le technicien de surface, etc., etc., voici l’assistante sexuelle. Philippe Muray s’en retourne dans sa tombe : le plus vieux métier du monde se dote, après la Suisse et les Pays-Bas, d’un de ces vocables propres à nos sociétés moralement correctes. La nuance tient à la visée sociothérapeutique. L’assistante en question est censée intervenir pour soulager le handicapé de ses souffrances, en aucun cas pour assouvir la libido du boutonneux à lunettes. Bientôt un ministère de la sexualité, un droit au nichon opposable. Vive la France, vive le sexe pour tous ! Vive le trou de la sé…cul !  

Ce qu’on note, nous, pipelettes, c’est que ce statut officiel de la prostituée, au-delà du débat politique qui n’est pas notre affaire, est très tendance. Un film, “Gigola”, avec la surbranchée Lou Doillon dans le rôle, une série “Maison close” sur Canal +, les aventures d’une escort girl évoluant dans la jet set de “Grazzia” cet été, un héros qui s’entiche d’une call girl dans le dernier Breaston Ellis…  fictions ou réalité ? Les Loana, Zahia et autres bimbos à cuisse légère font désormais la une de “Paris Match”. Seraient-elles les idoles de demain ? Assiste-t-on à l’avènement, après la it-girl, de la hit-pute ? C’est la question que se pose Madame Figaro dans son numéro du 15 novembre. Et si Madame Figaro se la pose… 

J.A

Action

17 jan

 Suite de la parenthèse cinématographique. Vu  à la téloche, il y a une semaine, “Taken” (L’enlèvement) de Pierre Morel, sorti en 2008 et joué par le solide Liam Neeson. Film français à l’américaine – parfaite antithèse de “Somewhere”, film américain proche de  notre cinéma d’auteur.

       Même sujet de départ : une fille chamboule la vie de son père.
Assistant par téléphone à l’enlèvement de la sienne, ce père-là met à profit son passé d’agent de la CIA pour la retrouver en 72 heures durant lesquelles il infiltre les bas fonds de notre capitale et nous balade dans toutes les strates de la voyouterie. Derrière les malfrats on découvre des pourris qui dissimulent des ordures. Liam Neeson n’a pas les deux pieds dans le même sabot et patauge dans cette fange avec brio. Le spectateur est suspendu.
On vous le conseille. Ce, malgré les habituels critiques actionophobes qui le comparent à un “mauvais Steven Seagal”. Prenons ça pour un compliment. C’est vrai que Liam Neeson n’aurait pas tenu trois secondes à fumer des clopes et prendre des douches dans le dernier Sofia Coppola, à moins qu’on rajoute au scénar la présence à l’hôtel Marmont de braqueurs préparant un gros coup.

S.A


Pantalon de grand-père

13 jan



Le grenier, caverne d’Ali-Baba pour les coquettes. On prend l’échelle, on gravit les dunes de poussière, on fend les toiles d’araignées. On pénètre au coeur à la fois des ténèbres et du vintage. À la lueur d’une lampe à pétrole, donc au risque d’un incendie, on déniche des merveilles plus merveilleuses que les trésors des friperies de Bruxelles ou d’Anvers. On jongle avec l’anachronisme, on pulvérise les records d’avant-garde avec la petite robe orange et marron des années 70. On chausse les sabots que portaient la tante Sabine à St-Trop au dix-huitième mariage d’Eddie Barclay. Quelle émotion.
Dans ces fouilles archéologiques, la rage de découverte va bien au-delà des seuls accessoires féminins. On ressort le pantalon du grand-père. Trop grand, en velours, à grosses côtes, “beigeasse”. Il nous va comme un gant, ce qui est le rôle d’un pantalon. Il nous donnera dès demain à la station Abbesses une silhouette plus que chouette.
Pour celles qui n’ont ni grenier ni aïeul, APC a créé une réplique admirable de ce modèle. Accessible sans échelle. On pousse la porte du magasin. On dit bonjour. On essaie la chose. On la paie. On dit merci. On s’en va avec son paquet. Après quoi, pour huit jours,  on nage dans le bonheur.

S.A

 

Nowhere

12 jan

Même chambre d’hôtel, même solitude, mêmes plans séquences, Sofia Coppola reprend la recette de l’excellent “Lost in Translation” pour son p’tit dernier, “Somewhere”, récompensé par un Lion d’or au Festival de Venise.

Le mieux est l’ennemi du bien : sûre d’elle et de son talent désormais avéré, Sofia se permet des raccourcis. Elle croit que pour traiter de l’ennui, il lui suffit d’endormir au plus vite son public. Un peu fastoche.

Prenez une star hollywoodienne masculine tatouée avec barbe de trois jours qui traîne son spleen à l’hôtel Marmont, telle une Marie-Antoinette au milieu de sa cour. Il ne fait rien, ne pense rien et n’en dit pas plus. Il quitte sa chambre pour y revenir et y rester avant d’en ressortir et ce dans un seul but : tuer le temps. Morne assassinat. 

Il conduit sa Ferrarri, fait la fête – beaucoup la fête – engage des strip-teaseuses, croise des mannequins. Boit du whisky. Fume des clopes. Reçoit des SMS anonymes d’insulte. Matte les seins des filles par la fenêtre. Etc, etc, etc.

 Dieu soit loué, sa fille de douze ans, ange blond, fruit d’une union imprécise, met un peu de fraîcheur dans tout ça. Il était temps. Et pour son père, et pour nous-mêmes, qui pestons face à ces plans interminables à la Gus Van Sant détaillant sans musique et sans dialogue notre quadra mal peigné  tantôt sous la douche, tantôt sur son lit, tantôt dans le canapé.

C’est vrai, Coppola fille nous rappelle ce que nous avions oublié : que l’argent ne fait pas le bonheur, pas plus que la célébrité ou les voitures de sport. D’accord, elle ajoute sa note personnelle à la grande partition symphonique de l’errance de l’homme au milieu de l’opulence qui lui est  chère. Mais elle réussit surtout à répandre l’ennui de ses personnages sur le malheureux spectateur en prouvant le vide par le vide. Elle nous piège durant 1h38 dans les filandres d’un “film d’auteur” pas beaucoup moins emmerdant – souffrez le terme – qu’une publicité pour bagnole italienne. Elle nous sert ce plat qui sustente peut-être la critique avide de méchoui mental et de néant culturel, mais que nous autres, pipelettes, trouvons justement plat. Un plat plat, joué par nobody et où se passe nothing. Un ragoût de navet. Sans appel.

J.A

 

La Parisienne

4 jan

Photo : Blandine Lejeune

 

Figure majeure de notre patrimoine et vrai Caractère de La Bruyère, tantôt fustigée et tantôt célébrée, dans tous les cas objet de convoitises, la Parisienne, tel le bobo, n’en finit pas de faire couler l’encre. Une exposition lui est présentement consacrée aux Galeries Lafayette, prétexte à pipeleter.

       Ni déballage de chair ni string qui dépasse, le cheveu savamment décoiffé, la touche de maquillage idoine sans Botox ni bling-bling, la Parisienne est toujours au top. Ce n’est pas nous qui le disons : l’élégance à la française est une évidence internationalement proclamée. La Parisienne ne se gêne pas pour relooker son mec, des fois qu’elle l’aurait connu en marcel et en chaussures pointues. Elle fait de ses enfants des fashion victims dès le bac à sable. Quant à son intérieur,  chaque détail en est chiadé à mort, de l’applique murale jusqu’au coquetier. La déco, ça la connaît : plus au courant que Wikipédia,  elle chine ses meubles à la Croix Rouge et rougirait d’être vue chez Ikea. Si son mec est bricoleur, c’est l’idéal : rien de plus chic que le fait-maison.

       La Parisienne est au régime depuis l’aube des Temps. Ça ne l’empêche pas d’être plus portée sur la bouteille que sur le sport en salle. Toutes les occasions lui sont bonnes de se taper un p’tit verre en se grillant une  Marlboro light. Autre boisson fétiche : le p’tit noir ( tout est p’tit avec elle ) qu’elle boira sur le zinc en feuilletant le Parisien, son i-Phone 4 à la main.

       Côté mondain, la Parisienne, femme accomplie, parlera du prix du mètre carré dans les dîners en ville, ceux qui rassemblent les genres et les réseaux à grand renfort de cartes de visite (avocats, écrivains, comédiens, call girls, docteurs ès squelettes de Pygmées). Elle se vantera  de sa dernière acquisition-vente-presse à la faveur d’une girly party strictement interdite aux maris, définitivement relégués aux couches-culottes et aux poussettes.

       Plus généralement, cet être survolté a le sens de  la « nigth » et du loisir éthylique,  un goût prononcé pour le name-dropping et les virées du week-end. Fondue de musique et djette à ses heures, elle passe derrière les platines dès que l’occasion se présente, même le jour de son mariage, puisqu’un mariage est aujourd’hui de bon ton (moins vulgaire que le Pacs).

       Ses traits de caractères ne sont un secret pour personne : égoïste, contestataire, râleuse, resquilleuse, la Parisienne, malgré une éducation au cordeau et des écoles privées hors de prix, dit à peine bonjour et n’arrive jamais avant dix heures du soir à un dîner. Elle a toujours trop froid ou trop chaud. Elle déteste le dimanche et encore plus le lundi. Elle vomit la baguette trop cuite, le métro aux heures de pointe, les escalators en panne. Elle prend les sens interdits en Vélib ( qu’elle rendra à la 29e minute, la première demi-heure étant gratuite ), elle remonte la queue du cinéma, elle se bourre dans les cocktails. À la moindre anicroche elle vous engueule. C’est par-dessus tout une emmerdeuse. Faut dire qu’elle a de qui tenir. Louise Michel, Simone de Beauvoir, Isabelle Thomas, Yvette Roudy, Ségolène Royal, Catherine Deneuve sont ses modèles, dont la liste n’est pas close.

Jeanne Ably

 La Parisienne Du 1er avril au 4 juin 2011 aux Galeries Lafayette du mardi au samedi de 11h à 19h ( entrée libre )

Hipster

3 jan

                   Adeptes de la cool attitude et du name dropping, les Hipsters, peuplade urbaine made in Brooklyn, n’ont jamais autant fait parler d’eux. 
               Hipster :  le terme n’est pas nouveau. Ses origines remontent bien en deçà de l’Ipod et de Twitter, aux années quarante pour être précis. Il désigne ces jeunes Blancs fans de jazz et de Charlie Parker auxquels succèderont les hippies par beat génération interposée. Puis, plus rien jusqu’en l’an 2000, date à laquelle ils renaissent de leurs cendres mais sous un autre look. Moustache fine, chemise à carreaux rouges, Wayfarer, jean slim, le hipster 2.0 a rangé la guitare de Hendrix pour le synthé d’Arcade Fire et délaissé les friperies des halles pour les concept stores du Faubourg Saint-Honoré.
               Plutôt graphiste que peintre et meilleur bloggeur que poète, plus volontiers dj que ténor, en tout cas artiste free lance, ce bipède des mégapoles adopte la tendance avec une promptitude de puma et squatte les salles de spectacles indépendantes avec autant de zèle et de panache qu’un disc jockey. Parlez-lui de cet artiste japonais complètement glucose dont vous raffolez, il vous tiendra la jambe deux heures sur le sujet. Évoquez le dernier Canet, il vous regardera comme si vous débarquiez de votre sous-préfecture.
Eh oui, le hipster snob et avant-gardiste, pote à ses heures de Wes Anderson et de Xavier Dolan, arrière-petit-cousin de Barack Obama et de John Cassavettes,  raffole de la culture underground et du cinéma d’auteur. Il pratique avec brio le « je préférais avant », car il a tout vu, tout fait, tout entendu, tout lu et bien sûr tout jugé avant vous.  Ce qui n’est pas sans rappeler notre actuel bobo, à ceci près que le hipster est plus djeun, et point encore préoccupé à soigner sa déco en ramassant les vieux fauteuils sur un coin de trottoir

             Bref, hipster, encore un de ces néologismes fourre-tout de journaleux, un de ces termes volatils qui s’envolent à la moindre tentative de définition. Mais une occasion de pipeleter, n’est-ce pas ?

Jeanne Ably

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