Archive | septembre, 2010

 La bande du Drugstore

27 sept

Rendons à César ce qui lui appartient, et des éléments précis à la vérité historique.

Le patte d’éph’, qu’on attribue à tort (et de travers) au hippie de Hair ou de Nanterre, c’est « elle » qui l’inventa et l’imposa.

Elle ? La bande du Drugstore. La vraie. Pas celle des livres et films qui ont chanté sa geste, mais celle des origines, qui se réunissait au tout début des années 60 devant le drugstorePublicis en haut des Champs-Élysées. Elle ne comptait que quelques membres triés sur le volet.

Appelés d’abord « marinettes » (du nom d’un tailleur du Sentier, Marina, auquel il fallait apporter son tissu), ces fils-à-papa ultrafriqués, issus des bandes du Seizième et de la Muette, sévissaient à quinze ou vingt dans le triangle d’or Passy, Étoile, patinoire Molitor, avec quelques stations au Scossa, place Victor-Hugo.

Leur règne fut, durant un temps, absolu, aux extrêmes pointes du territoire de la mode. Avec pour seul et unique programme de la journée : préparer la soirée.

Ils furent les tout premiers cheveux longs, scandaleusement longs – aussi longs que ceux des filles – beaucoup plus longs que ceux des Beatles, qui n’allaient se signaler peu après  que par une assez courte frange, à y bien regarder.

Leur sport et leur défi ? S’introduire chaque soir dans un maximum de boums. Leurs sésames, grâce auxquels (après négociations) ils pénétraient ? L’élégance et l’insolence. Et aussi, une absence totale de scrupules. Au besoin, la porte était forcée.

Du reste, qui eût refoulé ces sveltes jeunes gens, beaux comme des dieux, au faste capillaire sans égal, sapés comme des milords, costard cintré, veste à deux poches à gauche, épaulettes ajustées, pantalon évasé sur mocassin Weston, cravate club, chemise en oxford. Leur mèche avait un retombé unique, leurs mouvements une grâce féline et leurs Ray Ban une authenticité à faire pâlir d’envie les franchouillards.

La maîtresse de maison, vaillante lycéenne de Molière qui avait réussi l’exploit de chasser ses parents pour la durée de sa surprise-partie, ou « sur-patt' », ne tardait pas à le regretter. Les crinières soyeuses et les costards sur mesure n’abritaient pas des enfants de chœur. Bien que ne touchant pas encore aux drogues qui déchaîneront leurs successeurs pré-soixante-huitards, les marinettes n’hésitent pas à se mettre à plusieurs pour violenter, voire violer une fille. Quand ils quittent les lieux en quête d’une autre boom, c’est après avoir fait les sacs, pillé les tiroirs et vandalisé le salon.

Pour payer leurs achats chez ce qui ne va pas tarder à s’appeler Renoma, ces jouvenceaux se livrent au trafic de tabac (Amsterdamer) ou d’armes (le drame Éric Malan, à Janson de Sailly, est d’une actualité encore tiède).

Voilà : le minet du Drugstore, fils de ministre ou de banquier à hôtel particulier rue Desbordes-Valmore, n’est pas quelqu’un de recommandable. Il n’ a rien inventé, sauf une panoplie qui sera imitée. Il ne fait pas grand-chose, à part dépenser son argent de poche au Mars Club de Nancy Holloway ou au juke Box du Silène, bar branché proche des Champs-Élysées. Il n’a pas de spécialité bien nette, excepté sa façon absolument magistrale de danser le « trois-trois-deux », dérivé du bop, avec les filles de sa bande, qui sont trois fois plus belles que celles qu’on trouve sur place, six fois plus antipathiques aussi, mais vingt-cinq fois plus libérées. C’est un voyou, donc un ravageur, avec ce petit quelque chose qui va faire de lui une légende, laquelle inspire aujourd’hui cinéastes et romanciers dont la documentation pèche souvent par un peu de flou.

Comme le chantaient les Teddy Bears ou Fats Domino, qu’ils écoutaient pour se reposer d’Elvis: To know know know him is to love love love him…

S.A

Pétanque

15 sept

La pétanque : ringard ? Ça non ! Vu  cet été à Saint-Trop’ : Vanessa paradis et Diane Kruger taquinant le cochonnet, jeans moulant et talons hauts, à l’occasion d’un tournoi très vip organisé par Karl himself pour la maison Chanel. Signe qu’après Barclay, Montand et  F.-M. Banier, la relève est  assurée chez les pipoles. Il était temps.   

        Quant à nos branchés parisiens – ah, toujours eux ! – ils envahissent en force les aires gravillonnées du canal Saint-Martin et des quais de Seine, avec la panoplie idoine (pastaga et strings de pied), n’hésitant pas, en cas de litige, à sortir leur iphone pour prendre des mesures grâce à l’application boulomètre.
De quoi requinquer le retraité bedonnant et le campeur à bob Ricard, longtemps brocardés pour  leurs mœurs de prolos. Mais d’ailleurs, qui dit que c’est prolo, la pétanque ? Pas nous, en tout cas.

J.A

photos : Hélène Pambrun


Le grand…

4 sept

Derrière chaque baignade du mois d’août, chaque pique-nique à la plage, chaque dîner face au coucher de soleil, chaque partie de pêche ou championnat de pétanque ou coupe Grand-Max, derrière chaque fête aux lampions ou croisière en yacht sur la Méditerranée, derrière le bonheur et la volupté balnéaire des flirts de rencontre, se cache un Grand Méchant Loup.
    Il a hanté notre enfance et gâché nos “grandes vacances”, pointant son nez dès la fin de juillet et nous narguant jusqu’au début septembre, moment de son triomphe.
    On y est.
    Souriez, c’est la rentrée !


Olé !

1 sept

 


Oui à la corrida, non au foie gras !

D’un côté, mort d’un taureau de combat, au nom d’un rite venu du fond des âges. De l’autre, gavages de volatiles à des fins de réveillon. Dans les deux cas, des victimes. Nos sociétés dysneylandisées choisissent les leurs. Mais si le taureau élevé en prince dans sa prairie natale connaît des jours de rêve avant l’arène, les oies, maintenues en batterie et bourrées à mort, ne verront jamais la lumière du jour.

Et puis, le premier tue. Les secondes pas.

J’ai vu une corrida pour la première fois cet été. Jusque-là, je ne me  prononçais pas, même si je comptais parmi mes proches des aficionados convaincants. Sur place, révélation. Passé la première demi-heure à me demander ce que je faisais là, navrée du spectacle de cette malheureuse bête harcelée par une bande de sadiques, j’ai compris.  J’ai compris la noblesse de cet art que les zoophiles bien-pensant qualifient de boucherie, juste bonne à assouvir un fantasme de sang.

Noblesse. D’abord, celle du torero. Son costume nous consolerait des aisselles de Gaël Monfils. Son port de danseur étoile, ses cris de cinéma muet, sa gestuelle de héros. Confrontation héroïque, le terme n’est pas trop fort, entre un fauve qui a grandi dans l’obsession de combattre – sans corrida, il serait en cage dans un zoo –  et d’un homme qui n’a pas froid aux yeux, et en fait profession. Ce dont le spectateur ne se doute pas : le sol de l’arène tremble sous vos pieds, quand le taureau vous charge.

La corrida ritualise l’affrontement immémorial de l’homme et de la nature, qui est celui du courage et du danger. Elle ne perpétue pas un sacrifice. Elle nous joue le drame de l’honneur et de l’héroïsme – deux valeurs il est vrai assez mal en point sur le théâtre de M. Bernard Arnault.

Voyons le contexte : ce n’est pas la Vache qui rit ni un aimable saint-bernard qu’on propulse dans l’arène. Ce n’est pas un bon gros toutou qu’on immole pour le plaisir d’une foule en liesse. C’est  un monstre qu’on lâche, et dont toutes les fibres sont dédiées au combat – encore a-t-il le choix de s’abstenir.  Au lieu de finir en légende dans la mémoire des toreros, libre à lui de sortir en tartare d’un hachoir. L’alternative est simple, et la controverse enflammée entre les “pour” et les “contre” n’est qu’un acte de plus au procès qui oppose les âmes poétiques aux adorateurs de la Carte vitale.

En Espagne, la loi du 28 juillet qui interdit la corrida sur le territoire de la Catalogne a fait rentrer celle-ci dans le rang des régions bedonnantes, normales et civilisées. Plus qu’une mesure en faveur des animaux, c’est bien le rejet d’un caractère national – d’un caractère tout court. C’est surtout, plus gravement, la fin d’une Europe fière d’elle-même et de ses spécificités, succombant à la normalisation promue par Bruxelles.

En voilà une, de mise à mort!

Olé !

Jeanne Ably

 


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