Street shopping

11 août

La rue est leur terrain de chasse.
Loin du “smirteur” (contraction de smoking et de flirting) qui drague la chair fraîche du bitume en grillant ce qu’il faut de Marlboro light, le “street shoppeur” – souffrez ce néologisme franglicisant – bat le pavé pour dénicher la vieille paire de bottes, le canapé vintage ou le livre introuvable (premier tome des mémoires d’André Salmon chez Gallimard, par exemple) laissés à l’abandon au coin de la rue, par suite d’on ne sait quel déménagement ou autre avatar domestique.
Usage vieux comme le monde, mais qui trouve maintenant sa place dans la sacro-sainte catégorie des phénomènes de mode.
Le bobo, que l’odeur du neuf débecte, l’a compris : bien plus chic qu’Ikéa, qui ne sert qu’à assouvir la fièvre acheteuse du quidam, le trottoir offre à l’élite cette occasion inouïe de pouvoir consommer malin sans contribuer à la production de masse qui tue, comme chacun sait, notre  planète à petit feu.
Moyen pratique et sans grand risque, en outre, de revendiquer son appartenance à la corporation aristocratique des pauvres hères, et même de justifier son récent emménagement à la Goutte d’Or.
Parfum de cour des Miracles, nostalgie de l’épave.
Plus de honte à faire les poubelles ! Désormais, on repeint, on lave, on rapièce, on ressemelle sans la moindre pudeur, pourvu qu’on n’ait pas la même table que tout le monde !

Jeanne Ably

 

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